Chers amis,
L'année dernière, nous avons fait une petite expérience qui nous a donné une grande leçon de confiance dans la vie.
Le terrain sur lequel notre maison a été construite appartenait à nos chers voisins qui gèrent une ferme équestre depuis des décennies. Le sol de notre jardin n’avait jamais été travaillé. Avec l’aide d’un ingénieur agronome, nous avons réalisé le projet de multiplier des variétés anciennes d’engrain et d’épeautre (merci Roland) mélangés à des légumineuses.
En novembre, nous nous sommes tous placés en ligne pour semer les grains manuellement sur le terrain brut. Nous avons un tout petit peu gratté le sol, simplement pour nous assurer que les grains puissent trouver leur chemin, puis nous avons tout confié à la nature et au sol qui, de toute évidence, était pleinement vivant (très nombreux vers de terre, scarabées, taupes...). Un vrai festin dans ce sous-sol !
L’hiver et le printemps ont passé. Pendant ces mois, nous avons attendu, assez dubitatifs... (nous sommes un peu sceptiques et fortement cartésiens).
Malgré la sécheresse qui a lourdement sévi lors ce début d’été, nous avons décidé de simplement observer, de ne pas arroser, laisser faire. Et le miracle s’est produit. C’est avec une joie sans égal que nous avons pu contempler ce cadeau de la nature: un champ aux épis dorés ondulant sous le vent, ponctué de coquelicots et de bleuets, comme dans les fameux tableaux de Van Gogh. Quelle émotion de voir ce que lui-même et bien des générations ont pu voir avant nous! Quel paysage ! Quelles couleurs, là, chez nous! Cette photo en témoigne.
Erik Orsenna, écrivain et académicien français, a écrit :
« Je pense aux ingénieurs qui voient le monde comme une planche à dessin. Je pense aux paysans qui depuis tant d'années se sont acharnés à faire en sorte que le monde coïncide avec le dessin de la planche. »
Les paysans et les paysannes ont dessiné pendant des siècles des « planches » qui ont fait rêver les peintres et les poètes.
Aujourd'hui les agriculteurs conçoivent des « planches » tellement parfaites, créées par des ingénieurs tellement parfaits que nos paysages ont tout perdu de leur perfection originelle.
Comment cela est-il possible ?
Peut-être avons-nous perdu le sens de la poésie, mais aussi la foi dans la nature et la confiance dans la providence qui ont pourtant nourri des milliards d'êtres humains avant nous.
Et si la solution pour notre monde au devenir incertain était tout simplement de faire travailler ensemble le rationnel, la main et la poésie ? Un ingénieur, un paysan et un poète seraient-ils l'algorithme sociétal manquant pour un monde apte à s’émerveiller à nouveau ?